La justice européenne donne raison à Airbnb face aux hôteliers français

La plate-forme de location touristique a remporté une victoire devant la Cour de justice de l’UE, qui a estimé qu’elle ne pouvait être contrainte à se conformer aux règles de la profession d’agent immobilier.

Le doute n’est plus permis. Airbnb n’est pas un « agent immobilier ». La Cour de justice de l’Union européenne a tranché, jeudi 19 décembre, en faveur de la plate-forme, dans le conflit judiciaire qui l’oppose à l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (Ahtop), depuis plus de cinq ans. L’activité d’Airbnb doit être qualifiée de « service de la société de l’information », telle que définie dans la directive sur le commerce électronique, datée de 2000. Au sein de la plate-forme, on se « félicite du jugement, qui donne une vision claire de la nature des règles applicables ».

La conséquence directe de cet arrêt est loin d’être anodine. La loi Hoguet, qui régit l’activité immobilière depuis 1970 et oblige les agents immobiliers à posséder une carte professionnelle, ne s’appliquera pas à Airbnb. Un coup dur pour les professionnels du tourisme, réunis dans l’association Ahtop. « [Le groupe américain fait] de la concurrence déloyale aux agents immobiliers et aux hôtels. Il propose les mêmes services mais n’est pas contraint d’appliquer les mêmes normes », dénonce Quentin Michelon, responsable des affaires publiques chez Ahtop − en évoquant des normes de sécurité, sanitaires ou administratives.

« Cet arrêt permet de clarifier les critères »

Les hôteliers et agents immobiliers espéraient que la Cour aille dans le même sens que son arrêt du 17 décembre 2017, qui avait permis de qualifier les prestations d’Uber de « services de transport », obligeant les chauffeurs à se munir de licences. Cela n’a pas été le cas.

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Pour Georgios Petropoulos, chercheur au think tank bruxellois Bruegel, « cet arrêt est très important, car il permet de clarifier les critères selon lesquels une entreprise peut être considérée comme spécialisée dans les « services de la société de l’information », et donc à quelles conditions ces entreprises doivent répondre aux mêmes obligations que les acteurs traditionnels ».

L’absence de relation de contrainte entre Airbnb et les loueurs de biens, au sujet, par exemple, de la fixation du prix de location, a été déterminante pour que la Cour qualifie l’offre de la plate-forme de « service de la société de l’information », auquel s’applique la « libre prestation de service », une notion centrale de la directive sur le commerce en ligne.

« La Cour renvoie vers le gouvernement français »

Dans ce cadre, une loi comme celle de 1970 est considérée comme une « entrave » à la libre prestation. Mais la directive sur le commerce électronique n’interdit pas aux Etats de déroger à cette « liberté », en imposant des règles, notamment pour protéger les consommateurs.

Ces possibles exemptions doivent faire l’objet d’une notification en bonne et due forme auprès de la Commission européenne. Elle n’est jamais venue de la part de la France pour le cas d’Airbnb et de la loi Hoguet. L’arrêt ne s’approprie donc pas pleinement l’argumentaire intransigeant de l’avocat général, qui, le 30 avril, émettait des doutes quant à la « proportionnalité de la loi [de 1970] ».

Une nuance qui donne de l’espoir à Quentin Michelon : « La Cour n’a pas vraiment statué sur le fond ; elle renvoie vers le gouvernement français, à qui nous allons demander de notifier la loi Hoguet. Une chose est sûre, cet arrêt n’empêche pas de réglementer les activités des platesformes. »

Le Monde avec AFP

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